Les Bois


Entre les arbres. Fougères. Trou d’eau. Mare. Moustiques. Mouches. Hannetons. Pies. Lave-linge. Mousse. Bogues. Les buissons sont oubliés des hommes. Budda mis hors course, les cachettes ne sont plus utilisées.
On entend ?
Deux voix qui s’interpellent, semblables au chant des tourterelles. L’une chasse l’autre. L’autre se cache. Demande quelque chose. Pitié ? Du temps ? Les deux voix se rapprochent. Cri. Les deux voix se taisent.
Il y a une clairière, plus loin après les voix, où neuf caravanes romanichelles se sont installées. Neuf familles. Quarante et une personnes. Claquettes aux pieds malgré le froid. Des arbres coupés pour le feu. Des fils à linge. Des chiens qui aboient. Loin du béton. Loin des fenêtres des Cités. Loin des appels au commissariat. Tranquilles. Ils traversent le bois à dix ou douze pour les razzias hygiène-alimentaire à la Très Grande Surface, et reviennent avec des caddies pleins, qu’ils abandonnent sur la Gravière à la lisière de laquelle ils campent.
La zone.
Les détritus.
Là où l’on incendie les voitures volées.
Budda = hors-jeu.
Lorsque les Qaïds et les fauves cessent de hanter un lieu, c’est tout un petit monde dissimulé qui ressurgit (jusqu’au prochain). Les créatures qui préféraient ne pas provoquer l’affrontement.
D’étranges fleurs fleurissent. Des Yeux dans les fougères. Des Yeux couleur bile noire.
Sans se concerter, Bacari et Budda avaient choisi le même point de repère. Une énorme souche de marronnier sectionné en billots et oubliée là depuis des années. Budda a opté pour le sol. Dissimulant sa boîte en fer sous des racines. Bacari a choisi les airs, dans les frondaisons qui ne perdent jamais tout à fait leurs feuilles, et où il observe.
Pas une cabane, non. Un rempart de branchages.
C’est un des lieux.
Il y en a d’autres. Il enterre ses cadavres de bouteille en de multiples endroits du bois, comme font les animaux de leurs déjections, pour ne pas laisser de traces aux prédateurs, aux hommes, à la police, aux juges.

La nuit est tombée. Les arbres flottent mollement. La nuit n’est agréable qu’ici. Dans le bois. Une vraie nuit, de fraîcheur, de froissements de branches. La nature se détend du carcan qui l’enserre. Aucun éclairage. Il n’est presque personne dans les bois, la nuit. Pratiquement personne ne traverse alors qu’ils donneraient un raccourci. Les amoureux ne s’y donnent pas rendez-vous. Il y a de la terre partout, c’est sale, de la boue et des vers, on tache ses vêtements. On préfère les parkings couverts. Quelquefois, une soirée se termine en groupe dans les bois. Casser un arbre. Jeter une voiture dans un étang. Hurler. Une bonne baston entre deux gars, qui dure longtemps. Il faut que les garçons se connaissent.

S’enfoncer. Si la mémoire est une terre sèche, profiter de l’humidité pour l’humecter, revenir à la terre noire et grasse et enfoncer ses doigts. Retirer une motte. Fouiller le trou.
On trouve toujours quelque chose à enterrer. Faire le vaudou.


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