Wattmille

Il y a une tombe pour Wattmille, dont le père a avoué une fois dans sa vie, une seule fois, qu’il était fier de son fils, fier de la chair de sa chair. C’était à l’hôpital, son fils parti dans le décor sur une moto empruntée, poursuivi par la BAC, placé sous respiration assistée, Vous pouvez rester 10 minutes pas plus. Il lui a dit : « Je suis fier de toi ». Le fils n’entendait pas, bien sûr. Il a dit : « Je suis fier de toi ». Mais il ne lui a toujours pas dit : « Je t’aime ». On ne sait pas si c’est par pudeur ou par honnêteté, dans ce moment délicat à quelques encablures de la fin, et alors qu’il ne voulait sûrement pas lui porter malchance par une parole malencontreuse.

Le jour de l’enterrement, son père était soutenu par toute la communauté. Plus de deux cents personnes. La famille, les amis, les proches, les voisins, mais surtout, tous ceux qui savent que ce sont les autres qui l’ont abattu. Venus de l’extérieur et repartis aussi sec. La mère a entendu le coup de frein. Les petits frères ont sursauté dans leur lit.
Ils l’ont abattu sous les fenêtres, comme à une autre époque ils auraient laissé le cadavre pendre à un réverbère. Pas la guerre, mais on fait déjà des exemples. Toujours un qui ne nous emmerdera plus. Et demain ils auront ton frère ou ton cousin.

L’année suivante, les potes de Wattmille ne sont pas venus. Ils ont dit : À quoi ça sert, ils font ce qu’ils veulent de toute façon ?


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