Le Trésorier


Bâtiment E, troisième étage, porte droite. Coquet deux-pièces, tapissé de papier peint Les Roses. Un salon-salle à manger, grande table ronde, six chaises. Une chambre d’enfants où tout est ordonné. Il vit seul. La mère des gosses est repartie vivre en province quand ils se sont séparés. Elle habite une grande maison avec jardin. Il récupère la couvée la moitié des vacances. Entre-temps, il arrange, époussette, il fait vivre cette pièce qui doit être tout sauf un mausolée, et qui ressemble effectivement à une page de catalogue. Fraîche, silencieuse, insolée. Lui dort à l’année sur le canapé convertible.

Très engagé dans la vie associative locale : trésorier de pas moins de trois organisations différentes.
–    Il y a eu une période difficile, c’est clair. Quand les premiers ont commencé à partir. Les nouveaux ça a pas pris tout de suite. Me demandez pas pourquoi. Maintenant, j’ai le sentiment qu’on n’est pas loin de trouver un nouveau souffle. Je le vois bien avec les cotisations. Il y a encore deux ans je vous aurais dit : je suis inquiet. Là, on commence à se stabiliser.
–    Nous le voyons à la mairie avec les demandes de subvention. Elles sont reparties à la hausse.
–    C’est bon signe. Quelque chose se passe. Je crois que les gens ont compris qu’il faut s’impliquer. Sinon on s’en sortira pas... Ça reste difficile de mobiliser... Il faut dire que vous ne nous aidez pas.
–    Là, vous êtes injustes.
–    On manque de locaux !
–    Et la MJC ?
–    Elle est tout le temps occupée par les gamins. Je vous l’ai déjà dit. Nous avons des gens qui veulent s’inscrire et qui ne viennent pas. S’ils avaient des lieux séparés, on les aurait. Des gens préfèrent rester chez eux.
–    C’est toujours compliqué la mixité. Mais quel enjeu formidable pour notre ville ! Nous comptons sur vous pour faire vivre cette belle solidarité entre les âges, entre les cultures.
–    C’est bien gentil, mais nous on veut juste vivre ici. On n’est pas employés de mairie. Moi, un travail, j’en ai déjà un. Le soir, c’est pour me détendre.
Il est allé chercher l’album photo dans l’armoire et le présente. Grands clichés numériques tirés en A4 couleur sur l’imprimante de l’entreprise. Apéritifs. Assemblée générale. Dîners dansants. Donne les noms. Des nouvelles. Qui est avec qui. Les ex.
–    Ça va pas fort, vous savez. Il a un cancer.
–    Non ?
–    On sait pas comment ça va se finir.
–    Ce serait une perte considérable pour la collectivité. Très regrettable.
–    Nous l’enterrez pas tout de suite, vous êtes gentil. On lui fait encore la chimio. 

Rebondir : adjoints au maire, Angela, directeur de cabinet, Gontrand, Mataf, président de l'association des locataires